Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BIAION DIKÈ

BIAION DIRÈ (Btahly Sllul). Si l'on s'attachait seulement au nom donné à cette action, on serait tenté de dire qu'elle était destinée à réprimer toute espèce de violence, et l'on pourrait invoquer à l'appui de cette idée deux graves autorités. Platon déclare qu'il y a (l(cnov toutes les Fast. 1, 14; Anth. pal. Vil, 199-202, 213, 364; Plin. Hist. nat. XXXIV, 19, 8 ; Winckelmann, Pierres de StoseS, p. 147, n.815. 369Aristoph. Nub. 762 et Schol. Vesp. 1342; Poli. IX, 124; Eustath. p. 1329, 25; Arch. Zeitung, 4867, p. 126. 320 Heydemann, Grieeh. Vas. pl. x, 3 et pl. supplém. (Hilftafel). fois qu'il y a voies de fait'. Harpocration fait remarquer que la (ita(w, SCxn n'était pas limitée à un cas particulier et qu'elle était possible dans tous les cas où une personne avait été victime d'actes violents'. Mais, dans la procédure attique, elle paraît avoir été spécialement affectée à deux délits particuliers. 1. Lorsqu'une personne enlevait violemment à une autre la possession d'une chose, la victime de l'acte de violence pouvait intenter contre l'auteur du dommage la (naov SCX7i 3. C'était en vertu de ce principe que l'APRAIREsIS EIS ELEUTRERIADI, lorsqu'elle était irrégulière, parce qu'elle avait eu lieu avec violence, donnait ouverture à l'action qui nous occupe'. On admet généralement que la (italun exil), comme l'octio vi bonorum raptorum des Romains, n'était accordée que lorsque la violence s'était manifestée par l'enlèvement d'un objet mobilier, sans distinguer d'ailleurs entre les objets animés et les objets inanimés, entre les esclaves et les animaux'. Platner seul a soutenu que la alun SCxr, était admissible même en matière immobilière'. Mais les arguments sur lesquels il se fonde ne sont pas convaincants. Démosthène exige, pour que le délit existe, qu'il y ait enlèvement avec violence (5ici cpatpeia8at)', et le scoliaste de Platon dit qu'il y aura ta(uv S(xr,, non pas, comme le prétend Platner, lorsqu'un tiers pénétrera avec violence dans une maison, même sans avoir l'intention de rien prendre ou sans rien prendre réellement, mais bien lorsqu'une personne, ayant pénétré avec violence dans une propriété, aura enlevé, soit d'une maison, soit d'un fonds de terre, une chose appartenant à autrui'. Il semble que la (3ta(wv SCx7I, à raison même du nom qu'elle portait, devait être une action privée, et ce caractère la rapprocherait encore de l'actio vi bonorum raptorum des Romains. Cependant Démosthène présente la violence comme un fait qui atteint non-seulement la victime, mais encore la société tout entière'; il explique ainsi l'attribution à l'État d'une partie de la peine pécuniaire prononcée contre le coupable. Il n'est donc pas impossible que la victime du délit ait eu le choix entre une action publique et une action privée", fondées l'une et l'autre sur un (§Ccoov, de même que, à Rome, elle pouvait choisir entre l'action privée vi bonorum raptorum, et l'action publique de la loi Julia de vi priva ta. Seulement, comme la partie lésée n'avait aucun avantage à mettre en mouvement l'action publique, elle optait le plus souvent pour l'action privée. Quant aux tiers, ils étaient autorisés à se plaindre de la violence dont un autre avait été victime" ; mais ils ne pouvaient agir que par voie de ypayrj et tant que les choses étaient entières. Si la victime avait intenté la ta(oiv S(dl, ils ne pouvaient plus recourir à la (3taltsv ypatpoj. La même solution est donnée pour le cas où la victime transigeait avec le coupable"; mais une transaction à laquelle l'État était demeuré étranger pouvaitelle le dépouiller de l'amende sur laquelle il était en droit de compter? La (ita(av Sian appartenait à la compétence des Quarante13 (ol 'cetTapâxovra), c'est-à-dire des juges qui parcouraient les dèmes (oi xae S,(p. uç Ôtxx(TTaC). Cependant, lors que la voie de l'action publique était employée, soit par la victime de la violence, soit par les tiers, les Quarante ne devaient plus être compétents, et il est vraisemblable que l'action rentrait dans l'hégémonie des stratéges ". Le défendeur qui succombait était condamné à payer deux fois la valeur du préjudice que sa violence avait causé, une fois au demandeur à titre de dommages et intérêts, une fois à l'État à titre d'amende I5 Notons cependant que lorsque le demandeur était un tiers agissant par ypai n, il ne pouvait pas être question de dommages à son profit. Y avait-il alors condamnation au double ou au simple? S'il y avait condamnation au double, le trésor public encaissait-il la totalité de la somme, ou bien la victime partageait-elle avec lui, quoiqu'elle fût étrangère au procès? Ces questions ne peuvent être résolues avec certitude. II. Les crimes de viol (xtaplsvsiv 'FOop«) ", d'attentat à la pudeur et de rapt, que la victime fût un homme, une femme mariée ou une jeune fille 14, donnaient ouverture à une action que les rhéteurs appelaient (3Caç SCxl, mais qui, de leur aveu, était toujours désignée par les anciens sous lé nom de (ita(tuv SCxr . Cette action était intentée par la victime elle-même, si elle était capable, et, si elle était incapable, par son xéptoç. -On peut soutenir, par argument a fortiori, de ce que nous avons dit pour la première application de la (3taiuv Sixrli que ces crimes pouvaient en oufre servir de base à une action publique. Toute personne devait être admise à demander la répression de faits si compromettants pour la morale sociale. On trouve dans Meùrsius 13 une longue suite de textes de rhéteurs, desquels il résulterait que la peine de ces délits était une amende de mille drachmes, décuplée lorsque la violence s'était produite en temps de 7tavsjyuptç. D'autres rhéteurs affirment que la victimé de la violence pouvait, à son choix, condamner le coupable à mort ou lui offrir de réparer sa faute par un mariage. Ce sont là des déclamations scolaires qui ne reposent sur aucune base sérieuse, et il faut chercher des autorités plus graves. D'après Plutarque ", Solon avait décrété que l'enlèvement. avec violence d'une femme libre serait puni d'une amende de cent drachmes, et le moraliste fait justement remarquer que cette peine n'était pas proportionnée à la gravité du délit Mais il ne faut pas oublier qu'une autre loi exigeait que l'auteur d'un attentat aux moeurs commis avec violence sur un homme libre, sur un enfant, sur une femme, réparât au double le dommage causé par sa faute". Dans l'évaluation de ce préjudice, souvent irréparable, les tribunaux avaient un large pouvoir d'appréciation, et nous ne sommes pas surpris qu'un oncle, pour épargner à son neveu une poursuite par la 13taicov Sien, ait payé un talent au père de la victime. Il est même probable que, si le mariage était possible entre l'offenseur et l'offensée et qu'il n'eût pas d'inconvénients, les deux familles s'empressaient de le faciliter ; mais la loi n'avait rien réglé à cet égard. La peine légale était l'amende, à laquelle s'ajoutaient des dommages et intérêts, fixés, d'après les circonstances, au double du préjudice causé. E. CAILLEMER.